• Le territoire des Ventanas - Chambre de Dray
« - Nuit blanche, perché sur le toit d’un bâtiment à observer les étoiles et la lune qui lui avait offert ses plus beaux rayons. Rayon de douceur à l’allure mélancolique, un croissant de lune, un pierrot noir et blanc posé sur sa balançoire, une larme souillée d’un maquillage abusif sous l’œil. Une paire de lèvres gracieuses et écarlates, luisantes à la lumière, douce lumière. Rayon de miel. Sa chevelure plus noire que noir ondulant au grès de la brise légère de cette nuit fraîche, une clochette attachée à un fil d’argent, ballant, un rythme régulier…
- Mais…
- Tes lectures sont vraiment ennuyeuses Haru, pouffais-je gentiment.
- C’est pas le genre de truc qui se lit à voix haute Dray !! râla le jeune asiatique.
- Comme c’est mignon, mon petit riz cantonais est siiiii sensible <3.
- Je suis pas chinoiiiiiiiiiis !! T’es vraiment chiant quand tu t’y met !Je ne pus m’empêcher d’éclater de rire, il est vraiment marrant ce Haru quand il se met à bouder comme un gosse ! Il me fait penser à un de ces personnages de manga soumis mais pourtant gueulards avec leurs chevelures de couleurs étranges. Je lui ébouriffais ses cheveux couleur aubergine qu’il s’empressa de remettre en place.
Bizarrement, je suis de bonne humeur aujourd’hui. Mais c’est vrai qu’en général, personne ne me voit comme ça. J’ai toujours cette façade quand je me retrouve face aux autres. Seuls Jack et Haru me connaissent tels que je suis vraiment.
Vous vous demandez peut être ce que fait Jack ?
Nous n’étions que tous les deux pour la simple et bonne raison que nous étions encore au lit et cette nuit, c’est Haru qui a dormi avec moi. Et Haru est toujours réveillé avant moi le matin, donc il passe le temps comme il le peut ! Souvent en bouquinant d’ailleurs.
- Oh My Dog ! Je traîne avec un rat de bibliothèque !! m’exclamais-je comme une victime.
- TU VAS VOIR TOI !! Haru se jeta sur moi, laissant tomber son livre sur le côté. Il n’est vraiment pas lourd, mais son poids a suffit à nous propulser hors du lit. Je me retrouvais donc à plat dos, avec un japonais avachi sur moi ; encore heureux que le lit soit relativement bas ! Alors que mon ami essayait de me chatouiller - en sachant que je ne crains pas tellement ce genre de choses - je remuais les bras dans tous les sens en battant des jambes.
- Aaaah un nem m’attaaaaque !!
- Je suis pas Vietnamieeeen !!
- Mais t’es quoi alors ? Sénégalais ?!
- Et ta mère ?! Elle fait du tapis volant ?!Et BAM. Je me stoppais net, me crispant légèrement. S’il ne fallait pas parler de quelque chose, c’est de ma famille. Je déteste qu’on parle d’eux, pour moi mes parents ne sont que des inconnus. Je commençais déjà à bouillir de l’intérieur, une envie de destruction comme une autre.
Haru se rendit alors compte de son erreur, il se pinça la lèvre inférieure et me prit la main pour essayer de me sortir de mes penser, pour me rassurer comme il savait si bien le faire. Je fuis un instant son regard, détestant me montrer si faible. Car oui, même si ça m’était un peu égal qu’on parle de mes géniteurs, je me sens toujours un peu faible de ne pas avoir eu la même chance que la plupart des autres.
Je soufflais fortement alors que Haru venait poser sa tête sur mon torse musculeux.
- Pardonne moi Dray, je ne voulais pas dire ça.
- C‘est bon.
- Dray ? fit Haru, un peu inquiet.
- Quoi ?
- Hum… Non, rien.J’avais été un peu trop sec dans ma réponse, je soupirais et me redressais doucement, contraignant mon ami à en faire de même. Je me levais et sortis de la chambre pour aller faire ma toilette, me plongeant à nouveau dans mes pensées. Rien de tel pour me mettre de mauvaise humeur, tiens !
Une fois lavé, j’enfilais un vieux jean usé, un débardeur blanc et une paire de converses. Je me coiffais vite-fait avec un peu de gel pour cheveux puis je retournais dans la chambre où se trouvaient maintenant Jack et Haru. Je saluais Jack que je n’avais pas encore vu de la journée et m’affalais sur mon lit, les envoyant s’habiller : je voulais sortir un peu aujourd’hui.
Une fois mes deux amis hors de vue, je sortis de la chambre et me rendit dans le cimetière des voitures où je trouvais Sandy. Il était seul pour une fois, je me demandait où était passée l’éternelle bécasse : Alice. J’eus un léger rictus en pensant à elle un instant. Puis je l’oubliais, venant juste saluer le blond et l’embêter un peu au passage car je savais que nous ne pouvons pas être complètement seul dans cet endroit lorsque le jour est levé. Je ne m’attardais pas trop : Haru et Jack sont rapides pour se préparer. Je revins dans ma chambre et les attendis. Lorsque j’entendis des pas dans le couloir, j’ouvris la porte et sortit sans leur laisser le temps de faire quoi que ce soit.
- Allez, on y vas maintenant ! J’ai faillis attendre !Et voilà, mon éternel personnage reprenait sa place, comme une deuxième entité bien encrée en moi. J’étais de nouveau ce mec presque imbuvable et blasé par le monde. Cet égoïste manipulateur ne dévoilant pas ses failles. Ce coléreux né pour emmerder le monde.
• 964 Sutter Street - Boutique d’instruments de musique.
La boutique d’instruments… Je souris légèrement en arrivant devant ; j’aimais tant cet endroit ! Je congédiais mes deux sbires, les envoyant se promener en leur disant de revenir lorsque je les appellerais. Oui… Je suis égoïste, et je vous emmerde.
Je poussais la porte vitrée et pénétrais dans le magasin, tout était calme, il n’y avait pas un bruit. Rares sont les personnes venant ici depuis qu’il n’y a plus de gérant. D’ailleurs, en y pensant, je me demandais si Nao se montrerait aujourd’hui.
Nao… Une jeune femme que j’ai rencontré il y a quelques temps ici même. Et depuis, on a l’habitude de se retrouver ici de temps en temps. Elle est assez calme et aime la musique, elle a plusieurs fois joué avec moi et c’est sûrement ce qui a fait que j’apprécie sa compagnie.
Au fond de moi, j’espérais qu’elle vienne.
Je me posais face à un piano et jouais plus ou moins distraitement un morceau :
People Error d’un groupe japonais dont Haru écoutait les chansons en boucle. J’étais partit dans mes pensées. Encore.